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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 20:14

Une short story que j'ai écrite pour un concours lancé par la communauté de blogs autres-mondes (si vous cliquez, vous verrez que le texte est arrivé deuxième et que j'ai gagné un livre - Youpi ).

 

foret.jpgA ciao bonsoir.

A la revoyure.

A pluche.

Benjamin chercha une autre réplique, une qui lui aurait permis de rester un peu plus longtemps sur le seuil.  Mais rien ne vint. Son copain Denis lui envoya un clin d'œil complice et referma la lourde porte du garage. Benjamin resta seul, le ventre noué, les yeux fixés sur le plastique de la porte.

La seule lumière provenait d'une lampe halogène fixée au mur. Elle éclairait un parterre de roses, une partie de l'allée et quelques mètres carrés de pelouse. Au-delà, l'incertitude. Le froid. Le noir.

Benjamin traversa le puits de lumière et releva son vélo, qu'il avait laissé tomber dans l'allée lorsqu'il était arrivé, deux heures plus tôt. Comme tous les soirs, après avoir fini ses devoirs, il allait jouer avec son pote Denis. La contact des poignées de plastique le rassura légèrement. Sa bécane ne l'avait jamais laissé tomber, même dans les moments les plus difficiles, et elle le mènerait à bon port. Une fois de plus. Il se réchauffa les doigts en jouant avec les gâchettes des freins et les pieds en faisant tourner les pédales à vide. Il ne voulait toutefois pas faire trop de bruit. Si la mère de Denis l'entendait et sortait la tête par la fenêtre, il aurait la honte de sa vie.

Qu'y a-t-il, Benjamin. Tu as peur du noir ? Tu veux que quelqu'un t'accompagne ? Tu vas pleurer ?

Non, il ne fallait pas que ça arrive. Plutôt mourir.

Benjamin pressa un bouton de sa montre à quartz et l'affichage digital lui indiqua qu'il était presque 19 heures. Il devait se dépêcher avant que ses parents ne s'inquiètent.

Il prit son inspiration, réajusta son bonnet, resserra son écharpe et appuya de tout son poids sur une pédale du VTT. Le vélo chancela un instant sur le gravier et prit de la vitesse.

Le vent glacé lui fouettait le visage. Ses coudes tremblaient. Ses mollets se durcissaient sous l'effort. Mais il s'en fichait. Comme tous les soirs, la seule chose qu'il voulait, c'était rentrer chez lui. Franchir les cinq cent mètres de chemin qui traversaient la forêt. Le plus vite possible. Benjamin plissa les yeux en amorçant le premier virage. Il connaissait parfaitement la trajectoire à emprunter, il faisait cela tous les soirs. Et ça se passait toujours bien, alors il n'y avait aucune chance pour qu'il y ait un problème ce soir.

Il pressa l'allure dans la ligne droite. Il percevait, plus qu'il ne le voyait, le défilement des arbres autour de lui. Son VTT n'avait pas de lumière, mais il n'en avait pas besoin. Il en était déjà à la moitié du parcours. Bientôt, il verrait apparaître les lueurs provenant de sa maison, et tout serait fini. Il poserait son vélo contre un mur, se laverait les mains et s'installerait directement à table. Le ventre noué, il se forcerait à manger, du moins au début, mais le bonheur d'avoir vaincu les ténèbres de la forêt lui dénoueraient rapidement les entrailles.

Dans quelques secondes...

C'est alors qu'il se sentit soulevé. Véritablement. Il s'éleva dans les airs, les mains toujours crispées sur les poignées et retomba durement sur le sol gelé. Il venait de faire un soleil. Un comble quand on n'y voit rien. Le vélo bascula lui aussi et lui retomba dessus, le cognant à la tête et au coude.

Benjamin cria, puis se mordit les lèvres. Il lui sembla que l'écho de sa voix venait d'être mangé par la nuit. Il fit rapidement l'inventaire de ses bobos. Une bosse au crâne, un coude qui saignait, un genou douloureux. Rien de grave. Il se mit debout et frissonna. Il avait la tête qui tournait et il ne savait pas où il se trouvait. Sans lumière, dans cette nuit sans lune, il était à la merci de la forêt. Et sa mère qui refusait toujours de lui acheter un portable. Elle aurait sa mort sur la conscience !

Benjamin se rappela qu'il disposait d'une source de lumière. Il pressa le bouton de sa montre et la lueur phosphorescente se diffusa sur le sol. Il put distinguer les extrémités du chemin, ainsi que la raison pour laquelle son VTT s'était rebellé contre lui. Son écharpe avait glissé et s'était coincée dans les rayons de la roue avant. Il réalisa également que la roue était voilée, et le vélo inutilisable. Il abandonna sa bécane et se remit en route en boitillant.

Les bruits de la nuit le cernaient. Craquements, hululements, bruissements fourbes, craquettements. Il marchait lentement, rallumant régulièrement sa montre pour vérifier qu'il restait bien sur le chemin. Peut-être le rôdeur qui l'espionnait tous les soir n'attendait-il que cette occasion pour se manifester. Peut-être les créatures des bois, celles qui ne sortaient que la nuit et qui se nourrissaient de viande humaine, allaient-elles se jeter sur lui. Pourquoi laisseraient-elles passer cette occasion ?

Benjamin sentit les larmes couler sur ses joues. Neuf ans, c'est trop peu pour mourir. Surtout avant d'avoir embrassé sa première fille, avant d'avoir regardé un film d'horreur jusqu'au bout, avant d'avoir appris à conduire. Sans s'en rendre compte, il accéléra. Il n'en pouvait plus de cette traversée, qui ne durait que cinq minutes en vélo. Vivement que le printemps arrive, et que les jours rallongent !

Lorsqu'il verrait sa mère, il la serrerait dans ses bras et il lui dirait qu'il l'aime. Il mangerait tout ce qu'elle lui cuisinerait, même les salsifis. Il ne lui dirait plus jamais non.

Benjamin écarquilla soudain les yeux. La lumière de la maison. Enfin ! Il se mit à courir, et plus il se dépêchait, plus les contours du chemin devenaient visibles. Il foula la pelouse, enjamba un parterre de roses et se planta devant la porte d'entrée. Son sourire s'évanouit d'un seul coup.

La porte n'était pas bleue, mais couleur bois. Il recula de deux pas et embrassa d'un seul regard la totalité de la façade. Il était revenu à la maison de Denis.

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commentaires

F
<br /> pas mal pas mal, un bon suspens en quelques lignes !<br /> continuez sur cette voie...<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci mister foufou. A bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />

Avancée des différents projets

Voici tous mes projets actuels, avec leur nature et leur état d'avancement.


 

Rêve de papier (Roman ado) : V3 terminée, en recherche d'un éditeur.

Depuis que son père a disparu, Martin note ses rêves sur des blocs notes. Sa vie prend un tournant innatendu lorsqu'il rencontre Sasha, une blonde qui hante ses rêves depuis plusieurs années...

 

La Marche Rouge (polar - fantasy, adulte, suite de Décadence) : premier jet en cours, chapitre 14 sur 14.

Badia et Fahim ont pris des chemins différents. Le devin tente d'oublier ses chimères et a trouvé une retraite dans un Temple perdu dans la montagne. La jeune femme est quant à elle de retour à Twynte, bien décidée à rendre l'organicisme officielle...

 

Celui qui parle (roman ado) : premier jet terminé.

Le 31 décembre 1999 à minuit, la voix a disparu de la surface de la terre. Plus personne ne parle. Sauf Roméo, qui est justement né le 31 décembre 1999 à minuit. Mais ce n'est pas facile d'être Celui qui Parle, dans un monde devenu muet...

 

Les démons de l'East End (recueil de nouvelles policier / fantastique) : 4ème nouvelle en cours de rédaction : 21b Baker Street

Lors de l'été 1890, une horde de démons de l'enfer a déferlé sur Londres. La plupart ont été tués durant la première semaine. Mais les survivants se sont terrés dans l'est de la capitale britanique et commentent à l'occasion des crimes horribles...

 

A corps perdu (Bande dessinée réaliste) : découpage en cours (21 pages découpées sur 54).

Bérénice a un comportement particulier : elle utilise les choses, les gens, les boulots, puis les jette. Mais sa vie change le jour où emménage chez elle un chat qui parle.


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