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Sang d’huître

 

Les bras chargés, Faustine poussa la porte de son officine et traça son chemin à travers les affaires qui traînaient au sol. Elle enjamba un carton plein de bocaux vides, poussa du pied des flacons sales et trébucha sur une carcasse à moitié décomposée. Un chat peut-être. Elle n'avait aucun souvenir d'avoir éventré un chat dernièrement. Peut-être un ragondin...

Elle posa lourdement ses sacs sur la table. De la volaille, des médicaments génériques et du poisson frais. Un liquide brun-jaune commença à suinter sur la table.

Faustine s'essuya le front du revers de sa manche, avança difficilement jusqu'au fond de la pièce et attrapa un post-il accroché à un panneau métallique. Philtre d'amour, avant le 09/01/09. Par Satan, elle devait faire vite !

D'une armoire, elle extirpa un grimoire taché et le feuilleta rapidement. Ah, voilà, philtre d'amour... Tout en faisant le point sur les ingrédients nécessaires, elle poussa la porte de sa remise. La bave de crapaud, elle en avait. Les yeux de sole, elle allait les piocher sur la bête. Plume de paon femelle, lait de baleine, aucun problème. Poil pubien de vierge, il lui en restait un peu. Sang d'huître...

Elle se trouvait dans une pièce aux murs couverts d'étagères, sur lesquelles trônaient d'innombrables bocaux. Elle chercha l'étage des S. Sang de concombre, de fouine, de grenouille. Sang d'huître !

La sorcière porta le bocal à ses yeux et jura bruyamment. Il était vide.

Sylvain

 

La clochette retentit dans cette luxueuse et néanmoins lugubre maison de banlieue. Une voix sépulcrale lança « C’est ouvert, entrez ! » avant d’achever par un rire lugubre. La porte s’ouvrit sur la nouvelle venue. « Esmé ? Lança cette dernière, C’est Faustine ! »

La voix qui avait accueilli Faustine perdit instantanément son lugubre.

_ Faustine, ma bonne amie, quelle bonne surprise !

_ Bonjour, Esmé. Je m’excuse de te déranger, mais j’ai besoin d’un coup de main. Comment vas-tu, d’abord ?

_ Comme tu vois, ma chérie…

C’est lorsque son amie Esmé entra dans son champ de vision que Faustine eut l’impression d’avoir gaffé. En effet, une amie flottant à une trentaine de centimètre au dessus du sol et à travers laquelle on pouvait voir par transparence n’allait pas très bien, ou alors elle n’irait plus jamais mal, cela dépendait du point de vue. Faustine porta sa main à sa bouche et rougit.

_ Ne t’en fais pas, ma belle, c’est normal que tu ne saches pas, j’ai tenu l’évènement secret.

_ Mais Esmé, comment cela est il arrivé ?

_ Un arrêt du cœur, rien que de très banal. Mais comme tu vois, ça ne m’empêche pas de recevoir mes amis chez moi. Tu m’avais parlé d’un service, ma bonne. Que veux tu ?

_ J’ai un philtre à faire, et je me suis rendu compte un peu tard que je n’ai plus de sang d’huître. Est-ce que tu pourrais me dépanner ?

_ Ah, oui, bien sûr ! Je ne suis plus en état de faire de potion, alors tous mes ingrédients sont à ta disposition. C’est mon fils, Fabrice qui a repris la maison.

_ Ah, oui, ton grand ! Qu’est-ce qu’il devient ?

_ Il a passé son examen de mage, avec une bonne mention. C’est lui qui m’a invoquée pour hanter cette demeure. C’est un bon gars, tu sais. Attends, je l’appelle : FABRIIIIIICE !! Nous avons de la visite !

_ J’arrive maman !

Bruits de pas dans l’escalier. Un grand gars maigre en robe bleu marine descend.

_ Faustine ! Bonjour. Quel bon vent ?

_ Elle a besoin de sang d’huître. Je crois que j’en ai dans ma cave. Aide nous, mon grand, tu veux ?

En effet, Esmé avait bien du sang d’huître, mais il était complètement éventé.

_ Oh, je suis navré, ma chérie, c’est vrai que je n’en avais pas récolté depuis très longtemps.

_ Je peux peut être l’aider, maman.

_ C’est vrai, mon garçon ?

_ Oui, j’ai appris des sortilèges temporels. Je peux peut être ramener ce sang d’huître à son état d’avant, et il serait frais comme elle en a besoin. Si elle est d’accord.

_ Excellente idée, dit Faustine. Tu avais raison, Esmé, ton fils est un bon garçon.

_ Tendez le bocal devant vous, madame Faustine, ça ne sera pas long

Et ce ne fut pas long. Sitôt la formule prononcée par Fabrice, Faustine se retrouva au fond de la mer, à tendre devant elle une huître encore vivante.

Space Freak

 

Ce n’était pas vraiment ce qu’elle avait prévu, se retrouver au fond de l’eau avec une huître dans la main. Pétrifiée, Faustine ouvrit la bouche de surprise et avala la tasse. Elle tenta de ne pas paniquer, plus facile à dire qu’à faire. Elle devait agir vite et manquait d’air. Elle avait toujours été une bonne nageuse et aimait faire de la plongée mais avec un minimum de préparation.

Faustine s’élança et commença à nager pour regagner la surface. Ses pensées flottaient avec elle. Arrivée, elle reprit son souffle, puis regarda autour d’elle. Que de l’eau à perte de vue, paradisiaque l’eau : chaude, bleue, transparente… du bonheur pour touristes mais ils n’avaient pas l’air nombreux dans le coin. Pas un brin de terre à l’horizon. Bon, elle n’était pas dans la mer du nord c’était déjà ça. Elle pensa en frissonnant aux requins qui n’étaient peut-être pas loin. Elle se laissa flotter, essaya de reprendre des forces. La soif devint bientôt insupportable, le soleil brûlant était rendu plus fort encore par la réverbération de l’eau. Ne pas se laisser aller, ne pas perdre conscience. Elle se répétait ces mots, courageuse. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était là.

Il lui sembla soudain apercevoir une tache au loin. En fronçant les sourcils, elle distinguait même un bateau. Elle se demanda si ce n’était pas un mirage. La tache se rapprocha, il s’agissait bien d’un bateau. Elle attendit qu’il avance encore pour crier et le héler avec ses bras. Bientôt elle le vit bien, si bien même qu’elle parvint à distinguer le drapeau noir à tête de mort qui surplombait le mat. Des pirates… C’est bien ma veine se dit-elle, un seul bateau depuis des heures et il s’agit d’un bateau de pirates. Le bateau s’arrêta bientôt tout près. Trente paires d’yeux goguenards l’observaient. Personne n’esquissa le moindre geste pour lui venir en aide. Celui qu’elle pensait être le capitaine s’exclama :

_ Alors, un souci ma petite dame ?

Faustine était si furieuse qu’elle se serait senti capable de lui répondre que non tout allait bien et de repartir nager de son côté. Elle savait néanmoins que ces pirates étaient son unique chance de survie.

_ Vous pouvez m’aider s’il vous plaît ?

Cinq minutes plus tard elle était sur le navire.

 

Aude

 

_ Alors ma petite dame, on aime faire trempette au milieu des poissons ? lui lança le capitaine.

Faustine afficha un sourire crispé.

_ Pas exactement… Auriez-vous l’amabilité de me déposer au port le plus proche ?

A ces mots, l’équipage éclata de rire.

_ Au port le plus proche ? Mais ma très chère dame, savez-vous seulement où nous nous trouvons exactement ?

_ Hé bien… je dois admettre que non.

_ En plein cœur du pacifique ! s’exclama le capitaine. Nous n’atteindrons pas la terre ferme avant deux bonnes semaines.

Deux bonnes semaines ? Impossible ! Le philtre d’amour devait être prêt d’ici demain !

Faustine ferma les yeux un instant. Comment allait-elle se sortir de ce mauvais pas ? Et quelle histoire surtout ! Elle avait trouvé sa meilleure amie en train de hanter sa propre demeure, elle avait été expédiée en plein cœur du pacifique par la maladresse d’un apprenti mage, et voilà qu’elle était désormais, bien malgré elle, la nouvelle hôte d’un bateau pirate. Tout cela pour un peu de sang d’huître.

Lorsque Faustine rouvrit les yeux, elle faisait face à Esmé et Fabrice. Ces derniers affichaient une mine soulagée.

_ Pardonnez-moi, madame Faustine. J’ai quelque peu cafouillé mon sortilège temporel. Mais voyez comme je me suis rattrapé pour vous ramener parmi nous.

Lorsque Fabrice avait parlé, il avait insisté sur le « vous » et jeté un regard sur le poing crispé de Faustine.

Cette dernière baissa le regard à son tour et écarta les doigts, dévoilant la petite huître si convoitée.

Jason

 

_ Merci Fabrice. C'est très bien de savoir rattraper ses erreurs, dit Faustine en essorant sa jupe moirée. Il fait très beau dans le Pacifique, mais j'avais omis de prendre un maillot de bain.

Fabrice tourna au rouge pivoine, renouvelant ses excuses dans un murmure trop rapide et faible pour être compréhensible. Mais l'intention était là.

_ Bon, Esmée, Fabrice, merci beaucoup pour votre aide. Je vais m'atteler à la confection du filtre maintenant. C'est que je ne prends pas de l'avance là. Je repasserai d'ici la fin de la semaine pour discuter un peu. Bye bye.


De retour dans son officine, la petite huître du Pacifique à la main, Faustine évita soigneusement la carcasse du ragondin. Elle s'en occuperait dès qu'elle aurait fini le philtre. Elle se dirigea vers le fond de sa remise, flattant amoureusement de la main le flanc de ses bocaux. Sur son pupitre, elle choisi le deuxième volume, marqué "G-M", et l'ouvra à la page "huître".

_ Alors, dit-elle, un doigt sur la bouche, préparation des ingrédients à base d'huître ... Mmm ... Ah ! Te voilà ! Sang d'huître.

En lettres nacrées sur ce papier jauni par les ans, Faustine lut difficilement :

"Pour préparer un sang d'huître de la meilleure qualité possible, procurez-vous une jeune huître du Pacifique" ... Esmée est une perfectionniste, elle n'en attendait pas moins d'elle.

"Révisez votre partition de la Fugue de Brocéliande". Mais où ai-je mis ma flûte de pan ? Ah ah, trouvée, s'exclama-t-elle en sortant victorieusement une flûte du tiroir du bas. Elle vérifia brièvement si ses dons de virtuose n'avaient pas trop rouillé et, satisfaite, se rassit pour continuer sa lecture.

"L'huître transpire du sang lorsqu'elle danse jusqu'à épuisement. Placez-là au dessus d'un récipient en bois pour éviter l'oxydation et jouez la Fugue en dansant autour jusqu'à obtention de la quantité désirée."


Après avoir dégagé un espace au centre de l'officine, Faustine fit honneur à sa réputation en obtenant en un temps record un fond de bol de sang d'huître tout frais. Très professionnelle, elle parvint à ne pas rire de la danse comique de l'huître entrouverte. Elle s'arrêta juste à temps pour ne pas la laisser mourir d'épuisement et la plaça dans un vivier. Il ne sera pas dit qu'elle se retrouvera à sec dans les mois qui viennent. Ce philtre est très demandé.

Une fois le sang obtenu, la réalisation en elle-même fut d'une facilité étonnante. Elle en faisait décidément beaucoup trop souvent. Elle finissait d'emballer la petite bouteille dans laquelle elle avait transvasé le précieux liquide quand le téléphone sonna.

_ Allô ?

_ "..."

_ Oui maman, j'ai bien vu ton post-it. Le philtre est prêt. La prochaine fois, ce serait sympa de me prévenir un peu plus à l'avance. Oh ! Je peux savoir après qui tu en as cette fois-ci ?

Alice

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Avancée des différents projets

Voici tous mes projets actuels, avec leur nature et leur état d'avancement.


 

Rêve de papier (Roman ado) : V3 terminée, en recherche d'un éditeur.

Depuis que son père a disparu, Martin note ses rêves sur des blocs notes. Sa vie prend un tournant innatendu lorsqu'il rencontre Sasha, une blonde qui hante ses rêves depuis plusieurs années...

 

La Marche Rouge (polar - fantasy, adulte, suite de Décadence) : premier jet en cours, chapitre 14 sur 14.

Badia et Fahim ont pris des chemins différents. Le devin tente d'oublier ses chimères et a trouvé une retraite dans un Temple perdu dans la montagne. La jeune femme est quant à elle de retour à Twynte, bien décidée à rendre l'organicisme officielle...

 

Celui qui parle (roman ado) : premier jet terminé.

Le 31 décembre 1999 à minuit, la voix a disparu de la surface de la terre. Plus personne ne parle. Sauf Roméo, qui est justement né le 31 décembre 1999 à minuit. Mais ce n'est pas facile d'être Celui qui Parle, dans un monde devenu muet...

 

Les démons de l'East End (recueil de nouvelles policier / fantastique) : 4ème nouvelle en cours de rédaction : 21b Baker Street

Lors de l'été 1890, une horde de démons de l'enfer a déferlé sur Londres. La plupart ont été tués durant la première semaine. Mais les survivants se sont terrés dans l'est de la capitale britanique et commentent à l'occasion des crimes horribles...

 

A corps perdu (Bande dessinée réaliste) : découpage en cours (21 pages découpées sur 54).

Bérénice a un comportement particulier : elle utilise les choses, les gens, les boulots, puis les jette. Mais sa vie change le jour où emménage chez elle un chat qui parle.


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