Un texte écrit pour prérarer un atelier. La contrainte concerne les 3 phrases en gras (début, milieu et fin du texte)
La première phrase est donnée dès le début. La seconde est donnée au bout de 10 minutes. On doit la placer rapidement dans son texte. La dernière est donnée au bout de 10 minutes supplémentaires d'écriture. Elle doit finir le texte, qui doit être achevé au bout de 5 minutes de plus (vous suivez ?).
Et voilà la résultat :
Conversion
On jouait au basket pour la bonne raison qu'il n'y avait pas grand chose à faire. Il faisait chaud cet été là, et on transpirait comme des baleines sous le soleil de juillet. Les vacances commençaient à peine. Les ennuis également.
Jim a envoyé la balle par dessus le grillage. Le ballon s'est mis à rebondir et à rouler dans le jardin de la vieille Mme Gardot. On disait qu'elle vivait seule avec ses quinze chats. On disait qu'elle cachait une carabine à chevrotine sous sa robe à fleur. On disait qu'elle ne sortait jamais de chez elle, sauf pour pisser dans le jardin.
Le jardin, c'était le lieu où avait élu domicile mon unique ballon de basket. Là, au milieu de l'herbe envahie de petites fleurs, de pousses d'arbustes et caillasses. Et de quoi d'autre ? Pièges à loups, chausses trappes, serpents à sonnettes ?
En lorgnant sur Jim, j'ai bien vu qu'il pensait la même chose que moi. Son teint mat avait viré pâle et il se frottait la nuque d'un air d'excuse. Il m'a dit : « Mec, c'est ton ballon. Moi, j'ai pas envie de mourir jeune ».
Je l'ai foudroyé du regard.
« On y va tous les deux ou c'est moi qui te tue en ressortant de là. »
Il a hésité et il a dit « ouais ».
On a escaladé le petit portail en fer forgé, en faisant attention aux barbelés qui en hérissaient le tour. En mettant le pied dans l'herbe, j'ai senti le sol tout mou, comme si personne ne le foulait jamais. Jim me suivait. Pas à pas. On avait repéré le ballon et on s'y dirigeait direct, sans un bruit, sans un mot. Ça y est, on était.
Je me suis baissé pour ramasser mon bien et j'ai relevé la tête. Merde.
La vieille Mme Gardot était là, sur son perron, dans sa robe à fleur. J'étais surpris, je la croyais centenaire, mais elle n'était pas plus vieille que mes parents. Elle n'était pas laide, un peu rustique : des dents déchaussées, des grosses mains tremblantes, un dos vouté. Mais elle ne faisait pas peur.
J'ai soufflé : « on se taille » en esquissant un demi-tour stratégique, mais elle a parlé :
« Les jeunes. Vous êtes chez moi. »
« Oui, on sait madame. On s'excuse. On récupérait le ballon. On repart maintenant. »
C'était Jim qui avait parlé. Sa voix n'avait presque pas flanché.
« Vous êtes chez moi », a répété la femme, beaucoup plus durement.
Je l'ai regardé pour la seconde fois. Elle avait désormais à la main sa fameuse carabine et son air n'était plus aussi sympathique.
« Vous allez bien accepter une tasse de thé ? ».
J'ai avalé ma salive. Je sentais ma transpiration couler sur mes tempes, tremper mon T shirt. La vieille était folle à lier. Est-ce qu'on pouvait se permettre de la contrarier ?
« Avec plaisir, ai-je » articulé.
L'intérieur était frais et sombre. J'avais des frissons partout. La vieille avait disparu dans sa cuisine, nous laissant, Jim et moi, tous les deux dans le salon. On essayait de communiquer par signes, aucun de nous n'osant prononcer un mot à vous haute. Tout autour de nous sur des meubles, dans des vitrines, contre les murs, on voyait des armes à feu. Quand elle est revenue, un plateau entre les mains, et qu'elle s'est installée sur le fauteuil à bascule, j'ai pensé à lui sauter dessus. Son regard s'est alors posé sur un fusil à pompe posé accroché au mur et on a compris qu'on n'avait pas le choix. On devait lui tenir compagnie.
« Mon fils est homme d'église » a-t-elle lancé sur le ton de la conversation. « A la Noël, il m'offre des cadeaux. Je les collectionne »
Jim a hoché poliment la tête. Moi, j'ai compris que son taré de fils, qui était curé, lui donnait des armes tous les ans. J'ai eu une idée.
« Vous les collectionnez ? Donc vous ne vous en servez pas ? »
« Oh, si », a-t-elle dit en se balançant. Et vous ?
« Non », ai-je balbutié. « Je... je suis pas croyant »
« Quel dommage. Mais une conversion tardive est toujours possible »
« Vous croyez ? »
« Venez »
Elle s'est levée et nous a mené vers une pièce dans laquelle les colifichets catholiques, croix, représentations de Jesus ou de Marie, se disputaient la place avec des armes à feu de tous calibres. Le tout sous une lumière au néon verdâtre.
« Voici mon sanctuaire. Peu de gens ont le droit de le voir. Seulement les serviteur du Seigneur, en vérité. »
Elle pointait sur nous sa carabine, le doigt pressé sur la gâchette, et son sourire angélique me faisait penser à celui d'un benêt.
« Etes vous un fidèle serviteur du Seigneur ? »
J'ai hésité. A ma droite, Jim hochait la tête frénétiquement en regardant la dame. Je lui ai donc donné ma parole la plus solennelle et la plus hypocrite de toujours servir le Seigneur.