Un autre teste qui répond à la même consigne que précédemment : une description précise d'un moment de la journée qui glisse dans le fantastique. J'ai un peu moins bien respecté la consigne.
Lorsque Maya est couchée, après 20h30, le temps semble se ramollir. Les aiguilles des horloges continuent de tourner, mais le temps ressenti est différent, ouaté, languide, précieux. Il faut faire attention à ne pas réveiller le bébé, mais en même temps c'est le moment où on peut enfin s'activer. C'est une accélération au ralenti.
Ce soir-là, ma fille s'était endormie tôt, vers 20h. J'avais des projets pour la soirée : continuer à écrire mon roman, peut-être regarder une série avant de m'endormir. Mais je savais d'avance que je serais trop las pour la littérature et que la série allait en appeler une autre. J'étais assis devant l'écran, calé contre le dossier du fauteuil, le son au minimum audible. Une infusion refroidissait sur le bureau, à deux doigts du clavier, à moitié bue, dans un mug illustré de vaches et de moutons. J'étais dans une bulle d'habitude. L'évasion par procuration. La seule lumière provenait des appliques accrochées au-dessus des deux portes, une lumière indirecte, faiblarde, qui renforçait l'impression de flottement.
Je profitais d'un creux dans l'action pour filer aux toilettes, quand je remarquai que la lumière de la cour était restée allumée. Ça arrivait parfois. Un tour à la cuisine, une pichenette sur l'interrupteur et la lumière disparut. Enfin pas tout à fait. Il y avait encore de la luminosité qui provenait de la petite cour intérieur jouxtant l'appartement.
Une lueur verdâtre, ténue, vacillante.
Je sortis dans la cour. Le froid mordant de décembre s'engouffra sous mes vêtements. Je repérai la source de la lumière, dans un coin de la cour, sur la droite. Elle provenait d'un carton – le lieu en était jonché, depuis l'arrêt de la boutique de Maggy – posé sur le sol près de la porte vitrée. J'écartai précautionneusement les pans du carton et découvris ce qui brillait.
Un petit être phosphorescent s'y tenait, accroupi, les genoux sous le menton, les doigts enlacés devant ses mollets. Étrangement, sa position ressemblait à celle que j'avais adoptée quelques minutes plus tôt, lorsque je regardais ma série. Sa taille ne pouvait pas dépasser cinquante ou soixante centimètres, sa peau était verte, avec un reflet bleuté, ses vêtements semblaient taillés dans une toile grossière. Il portait un bonnet rouge, à revers fourré de blanc et ses deux oreilles pointues en dépassaient allègrement. Je me penchai un peu plus pour apercevoir des gouttes couler sur ses joues fines et des sanglots secouer sa minuscule poitrine. J'étais certain qu'il pleurait.
Et j'étais certain d'une autre chose. C'était un lutin du père Noël qui s'était perdu.
Je remarque deux choses après avoir terminé ce texte :
1. Il m'est très difficile de seulement décrire les actions. Il faut que j'explique comment le temps s'écoule le soir venu, par exemple.
2. je suis quasiment incapable de garder mon sérieux, de ne pas tourner mon texte en dérision. Ici, j'avais la flemme de continuer à décrire mon action (je le recueille, je lui offre de mon infusion, je tente d'entamer le dialogue, je le pends par les pieds pour amuser le chat, je le prends en photo pour montrer à ma fille...), donc j'ai réalisé une pirouette, en insérant un cliché (que je n'avais pas prévu au départ). Il y a rire, ça sert de chute et c'est fini. D'un autre côté, je n'avais aucune intention d'écrire un texte long, ce n'étais pas le but de l'exercice. J'ai d'autres projets en cours pour ça.